Gauthier Bossut est agriculteur et éleveur à Chapelle-à-Oie, dans la commune de Leuze-en-Hainaut. Son exploitation, gérée en collaboration avec son épouse Aurore Decuypere est l’exemple même qu’une production laitière élevée associée avec l’utilisation d’un robot de traite et un pâturage tournant dynamique est possible.
C’est lors d’un tour de pâtures organisé par le parc naturel des plaines de l’Escaut et le parc naturel du pays des collines que nous avons rencontré cet éleveur. “La valorisation des prairies avec du pâturage tournant a un impact et permet de produire du lait de qualité” nous a expliqué Gauthier Bossut, qui transforme et vend également ses produits laitiers dans son propre magasin à la ferme.
L’exploitation compte en moyenne 50 vaches laitières issues de croisements ProCROSS (croisement rotatif entre 3 races laitières : Pie noire Holstein x Montbéliard x Red Vicking). Celles-ci sont traites par un robot. De plus, les vaches ont un accès libre aux prairies. Une porte de tri a récemment été installée sur la ferme pour harmoniser le pâturage et la traite au robot.
Transformation des produits
Une première particularité de cette exploitation est qu’elle transforme ses produits laitiers. 100 000 litres de lait y sont transformés chaque année. Ceux-ci sont ensuite commercialisés en vente directe dans le magasin de l’exploitation. Ce dernier a été mis en route en 2020, soit l’année de la crise sanitaire et des premiers confinements. “À cette période, les gens avaient le temps de se rendre dans les magasins de proximité. Cela nous a permis de bien démarrer cette activité. Heureusement, nous avons jusqu’à présent su garder notre clientèle. En plus de la vente de nos produits laitiers, nous proposons aussi d’autres produits locaux. Nous avons également mis en place un système pour permettre les commandes via Internet”.
Le début de cette valorisation locale a également été synonyme d’une réflexion des exploitants à propos de la qualité du lait. “Depuis qu’on transforme nos produits, on a remarqué que l’alimentation des vaches a un impact direct sur la qualité gustative du beurre. Il est donc important de fournir des fourrages de qualité au bétail et de laisser pâturer les animaux”.
“Désormais, les vaches vont en prairie dès que c’est possible. Les animaux pâturent 24 heures sur 24 depuis fin mars jusqu’au 20 octobre”. Le déprimage débute fin mars-début avril selon l’état du sol. S’il fait trop humide, le déprimage a lieu plus tard que lors d’un printemps sec. En été, toutes les vaches sont à l’extérieur. “Le bâtiment aire paillé est vide en été”.
Pâturage tournant dynamique
Pour mieux valoriser l’herbe, la Ferme Bossut a mis en place un système de pâturage tournant dynamique. En utilisant cette méthode, les vaches changent de parcelle selon la pousse de l’herbe, souvent une fois par jour. En pleine saison de pâturage, l’herbe pâturée représente jusqu’à 60 % de la ration. Au cours de la saison, la ration est adaptée pour garder un niveau de production élevé. Plus précisément, c’est en moyenne 35 à 36 kg de lait qui sont produits par vache chaque jour en été, en période de pâturage. En hiver, la production moyenne est 40 kg de lait par vache et par jour.
En pratique, ce sont 12 hectares comprenant 19 paddocks qui sont utilisés pour le pâturage. Parmi ceux-ci, 13 paddocks sont utilisés en tant que prairie de jour et trois paddocks sont destinés aux prairies de nuit. Les trois dernières parcelles servent de réserve et sont utilisées pour le tarissement. Selon la saison et la pousse de l’herbe, la période de repos est d’approximativement 19 jours. Parfois certains paddocks ne sont pas pâturés et sont alors destinés à être fauchés.
“Dans le futur, je souhaite installer une canopée végétale au-dessus des pâtures de nuit. Cela permettra une meilleure résilience lors des périodes de canicule. Celle-ci sera pluri-spécifique et comportera plusieurs essences d’arbres. La réflexion est en cours concernant les différentes essences à implanter pour que ces végétaux aient également un rôle fourrager. Je tiens d’ailleurs à remercier Natagriwal qui m’aide dans ce projet et plus particulièrement Marine Bonnet, conseillère plantations et Douceline Van Cranenbroeck, chargée de mission et vétérinaire pour leur appui scientifique. Je souhaite aussi séparer les différents paddocks avec des haies à l’avenir” nous a confié notre interlocuteur.
Installation d’une porte de tri
En 2017, le robot de traite a été mis en route. “Au départ, les animaux sortaient en pâture une fois que la traite était finie. C’était facile, mais les vaches devaient toujours passer par le robot pour pouvoir sortir. C’était parfois problématique pour les premières sorties au début de saison et quand il faisait bon à nouveau après une pluie ou un orage en été”.
Les agriculteurs ont donc décidé d’installer une porte de tri automatique en 2024. Celle-ci est placée à la sortie de l’étable et comprend des systèmes anti-retours de type ‘western’ aux entrées. “Ce système est plus flexible. Maintenant, tous les animaux peuvent sortir facilement et au même moment. L’installation comporte deux sorties programmables. Selon la période de la journée, les vaches sont dirigées automatiquement vers une prairie de jour ou vers la pâture de nuit. On peut donc décider de quel animal peut sortir et sur quelle parcelle”.
Carbon farming
À côté des animaux, Gauthier Bossut cultive sur une superficie de 75 ha. Les cultures implantées sont des céréales, du colza, du maïs ensilage, des pommes de terre, de la luzerne et des prairies temporaires. “J’ai abandonné les betteraves car l’arrachage de cette culture avec des intégrales est trop mauvais pour les sols”.
L’agriculteur accorde une grande importance à la teneur de carbone de ses sols. “J’implante des couverts dès que possible. Ainsi, dès que la moisson est terminée, je sème des engrais verts en semis direct. Il est important de semer tôt même s’il fait sec dans l’optique d’obtenir une biomasse importante. Cela permet d’apporter du carbone dans les sols, dont ils ont grandement besoin. Les apports de matière organique peuvent se faire directement sur les couverts et non pas avant de les semer. De cette manière, je n’ai pas besoin de me presser après la moisson. La priorité est de semer les couverts et les apports organiques peuvent se faire plus tard, quand il fait plus calme”.
Notre interlocuteur conclut : “Cela vaut la peine de faire pâturer les vaches même dans le cas d’une traite robotisée. Les prairies impactent positivement le bilan carbone et permettent de produire un lait d’une composition qualitative”.
Texte et illustrations : Antoine Van Houtte