Chez Pur Ver, cent millions de lombrics produisent mille tonnes de lombricompost naturel chaque année. Il s’agit du plus grand producteur de lombricompost d’Europe. En plus du lombricompost solide, un produit liquide qui peut être appliqué en pulvérisation a aussi été mis au point. Cette entreprise, située à Pecq dans le Hainaut, s’inscrit dans un concept durable et local. Ses produits peuvent également être utilisés en agriculture biologique.
L’idée de base est de faire de “l’upcycling”, ou surcyclage en français, c’est-à-dire valoriser des “déchets” pour en faire un produit à plus haute valeur ajoutée. Ceux-ci servent de nourriture aux vers de terre épigés qui vont les valoriser en lombricompost. Cette matière première est locale pour éviter les transports inutiles et rester dans un cercle vertueux de production. Ce sont par exemple des drêches provenant de brasseries régionales, des déchets de lin ou des déchets verts. Depuis le début de la production, les fournisseurs sont les mêmes et sont tous situés dans un rayon de 25 km autour de l’entreprise.
Production dans des conditions contrôlées
La particularité est que la production se réalise en intérieur, ce qui permet de contrôler les paramètres et ainsi d’obtenir un produit final standard. “C’est un avantage car nos concurrents produisent souvent cela en extérieur et la qualité de leur produit final est alors variable. La qualité de notre lombricompost est connue et stable” nous a expliqué Grégory Sempo, manager production et recherche et développement chez Pur Ver.
Dans la pratique, la production se réalise en flux continu grâce à des installations automatisées. Les lombrics sont situés sur les vingt premiers centimètres d’un lit qui contient aussi des tuyaux pour permettre de réguler la température (refroidissement en été). Il aura fallu trois ans de recherches pour définir l’alimentation optimale des lombrics. De la nourriture leur est apportée tous les trois jours. Ce sont pas moins de 1,2 T qui sont broyés et ensemencés par les vers de terre. ces derniers sont présents à raison de 60 000 à 100 000 individus/m². Des champignons et des bactéries permettent ensuite de maturer le produit et vont donner lieu à la dégradation de la cellulose et de la lignine.
Lombricompost solide ou extraits liquides
La matière organique de base est donc dégradée pour obtenir un produit stable et de haute qualité. Par ce processus, les éléments sont rendus sous une forme facilement assimilable par les végétaux. Ce procédé technique reproduit finalement ce qu’il se passe naturellement dans un sol de sous-bois.
Avant commercialisation, le lombricompost est broyé et séché pour obtenir un produit facilement utilisable. Ce dernier contient notamment des micro-organismes (700 bactéries et 1 500 champignons), des éléments nutritifs (azote, phosphore et potassium), de l’acide humique, des phytohormones et des acides aminés. Il s’agit donc d’un biostimulant naturel qui est un amendement à haute valeur pour les sols et qui va également booster les systèmes de défense naturelle des plantes ainsi que leur croissance. Sous cette forme, le lombricompost est surtout utilisé par des maraîchers et des horticulteurs. “Son avantage par rapport à un fumier, c’est qu’il est déjà minéralisé et donc les éléments nutritifs sont directement assimilables par les plantes” a confié notre interlocuteur. Le lombricompost de Pur Ver est aussi incorporé dans certains terreaux vendus en jardinerie.
En ce qui concerne l’utilisation pour les grandes cultures, l’entreprise produit un extrait liquide de lombricompost contenant aussi des micro-organismes. Il s’agit du bio-stimulant Green Booster qui peut être utilisé dans la bouillie de pulvérisation ou être appliqué lors de l’irrigation des cultures. Les conditionnements proposés sont multiples et vont des cuves IBC de 1 000 l jusqu’au bidon de 0,5 l pour les particuliers.
Une démarche scientifique
La production et le développement sont basés sur la science et des partenariats avec des centres de recherches et des universités. Les produits sont aussi testés et repris dans divers essais en conditions réelles. Ainsi, des résultats menés en culture de pommes de terre montrent que Green Booster permet d’accroître le rendement d’en moyenne 7,1 % sur trois ans avec une application de 2 x 20 l/ha. Les calibres des tubercules, le développement racinaire et la résistance aux stress abiotiques sont également accrus. “Le plus difficile est de convaincre les agriculteurs d’utiliser nos produits. Ensuite, quand ils sont convaincus, ils continuent à utiliser le Green Booster et notre clientèle est alors fidélisée” nous a indiqué Grégory Sempo.
Un avenir prometteur
À l’avenir, les produits de cette firme pourraient aussi être intégrés dans des enrobages de semences, être inclus dans d’autres produits, être conditionnés en pellets ou encore être intégrés dans des substrats inertes pour permettre un épandage plus facile. Pur Ver réalise aussi de la consultance, peut vendre des vers et partager ses connaissances. Des projets de création de petites unités de production aux endroits où il y a des déchets à valoriser comme par exemple dans les communes sont aussi envisageables à l’avenir. L’entreprise souhaite également se focaliser de plus en plus sur le développement de son produit liquide.
Enfin, la législation va prochainement interdire les autres types de lombricompost qui utilisent une alimentation animale pour nourrir les vers de terre. Dans le futur, il n’y aura que le lombricompost fabriqué à partir de végétaux qui sera encore autorisé. C’est précisément ce que fait Pur Ver depuis ses débuts, il y a une dizaine d’années. Cette société voit donc l’avenir sereinement, surtout dans le contexte actuel de retrait croissant des produits chimiques autorisés en protection des cultures.
Texte et illustrations : Antoine Van Houtte